
Sachez-en plus sur Gloria Cáceres Vargas et son engagement envers le chien nu péruvien …
Par Pedro-Santiago Allemant – Association pour la protection du patrimoine péruvien (APPP).
Quand avez-vous découvert votre penchant pour l’écriture et la traduction en quechua ?
Quand j’étais étudiante à l’Université Federico Villarreal, vers l’année 1967, mon professeur de littérature latino-américaine m’a donné un texte en quechua à traduire en espagnol. C’était mon premier effort de traduction. J’avais la maîtrise orale des deux langues et je me suis rendu compte que j’étais capable aussi d’écrire des textes en quechua.
Quelle est la relation de la langue quechua avec la faune péruvienne ?
La relation est étroite car la faune, la flore et d’autres éléments culturels tels que la langue, la musique … font partie de notre culture et de notre réalité. En outre, la langue est l’élément le plus important car elle transmet la vision du monde d’un peuple. La faune et la flore ont toujours été présentes dans nos vies et ont été observées dans de nombreuses histoires ainsi que dans les huacos de nos cultures ancestrales.
Avez-vous eu des chiens dans votre enfance ou votre jeunesse ?
Quand j’étais enfant, je me souviens que j’avais des petits chiens; et je me souviens surtout d’une qui s’appelait Kajera. Ce n’était pas seulement une chienne de compagnie , mais aussi une compagne de jeux, elle représentait tout; parfois c’était une vache, d’autres fois, un âne, un oiseau, …. En plus de jouer avec nous, c’était l’assistante de mon père, elle était chargée de surveiller les vaches et de s’en occuper. J’ai toujours eu des chiens parce qu’ils sont très affectueux et qu’ils vous donnent de l’amour sans rien attendre en échange qu‘un peu d’attention.

Que pensez-vous du Chien Nu du Pérou ?
Dans mon enfance et ma jeunesse, je n’ai jamais eu de chien nu. J’ai eu des chiens de différentes races et aussi des croisés qui ne demandaient pas beaucoup de soins jusqu’au jour où ma nièce est arrivée avec un petit chien nu chocolat, aux grandes oreilles et aux grands yeux. Elle l’a appelée Luna Pelota. Elle était de petite taille. Et quand je la caressais, je sentais que sa peau était douce et qu’elle inspirait une certaine tendresse, c’était comme caresser un bébé. À partir de ce moment là, elle est devenue comme un nouveau membre de la famille qui nous a tous conquis.
Pourquoi avez-vous décidé de soutenir les réalisateurs du film « El Perro sin Pelo del Perú » et de traduire leur film en langue quechua ?
Quand j’ai rencontré Pedro-Santiago au siège de l’UNESCO, à Paris en 2015, j’ai appris qu’il travaillait sur le Chien Nu du Pérou. J’ai été très touchée de savoir qu’il y a des gens comme lui qui se sont engagés dans la récupération, la revalorisation d’éléments vivants de notre culture, comme dans le cas présent le Chien Nu du Pérou (Perumanta q’ala Allqu), sans aucune contrepartie financière. Cela a suscité mon admiration et le désir de les soutenir et la seule manière de le faire pour moi, c’était de traduire le film et d’autres projets qu’il m’a confiés, en langue quechua. Tous deux, Pedro-Santiago comme François, investissent leur temps, leur passion et leur argent à réaliser un documentaire qui met en valeur l’existence de ce héros de l’histoire non seulement péruvienne, mais aussi de l’histoire américaine, un chien qui a survécu au temps, malgré les conditions climatiques défavorables.
Quelle est la relation entre la langue quechua et le Chien Nu du Pérou ?
Comme le quechua, le Chien Nu du Pérou est un élément culturel qui a surmonté toutes les vicissitudes du temps et de l’évolution historique. Par exemple dans la langue quechua, le mot / allqu / prouve l’existence de l’animal. Comme le quechua est une famille de langues, cela veut dire qu’il existe parmi toutes ses formes un mot qui le désigne avec de légères variations : / alc / ~ / alkho /. Cela signifie qu’il a toujours vécu avec l’homme péruvien d’aujourd’hui comme d’hier.
D’après le film, le Chien Nu du Pérou semble avoir acquis une réputation internationale et être devenu le centre d’attention des scientifiques accrédités et des professionnels étrangers qui ne parlent pas notre langue. Comment ressentez-vous le fait de rapporter leurs affirmations et arguments en langue quechua, langue native du lieu d’origine de ce canidé millénaire ?
Traduire en quechua l’avis des scientifiques accrédités et professionnels péruviens et étrangers est pour moi une expérience gratifiante et enrichissante dans tous les sens du terme. C’est également une fierté pour moi de pouvoir contribuer à sa connaissance en quechua, non seulement parce que cela universalise le Chien Nu Péruvien, mais aussi parce que nous faisons du quechua une langue de traduction et de communication. Historiquement, le chien a toujours accompagné l’homme et tous deux ont besoin des chercheurs en sciences sociales et des spécialistes de cette espèce afin d’apporter leurs connaissances et leur appréciation d’autant plus que le quechua et le Chien Nu du Pérou sont en vie et sont notre fierté.

Lors de votre participation à la conférence qui a eu lieu au Musée de Pachacamac vous avez approché Tupac, l’un des protagonistes du film. Quel a été votre sentiment de le voir en personne après l’avoir vu dans le film comme chien mythique et natif du Pérou?
En général, tous les chiens éveillent en moi une grande tendresse. Je crois que ces animaux ont juste besoin de parler. Quand j’ai vu Tupac, l’un des protagonistes du documentaire, je me suis approchée de lui, j’ai pris ses petites pattes et je lui ai chuchoté en quechua mon amour pour lui, il est resté immobile. Il y a eu un moment de communion et j’ai senti qu’il était mien. Il restait humble tout en étant l’un des héros du film. Il est passé ensuite dans les bras de Santiago et il y est resté pendant toute la présentation qui a suivi la projection du documentaire.

Pouvez-vous nous parler de « Luna Pelota » ?
Luna Pelota est arrivée chez nous quand elle avait environ cinq mois et depuis, elle s’est adaptée à la famille. Au début elle était un peu réservée mais par la suite, elle a adopté Patty qui est devenue sa mère, puis elle a adopté toute la famille. Quand elle rencontre quelqu’un au début, elle se méfie, mais très vite, elle s’approche de la personne et se laisse caresser. Elle aura bientôt 5 ans.
Quelle relation entretenez-vous avec elle?
Ma relation avec elle est très étroite, c’est un membre de la famille; Lune Pelota cohabite avec d’autres chiens dont des petites chiennes d’autres races, mais elle a une place particulière qu’elle a imposée aux autres. C est une princesse comme une fille de championne des concours canins. Elle est très gâtée et intelligente en même temps.
Quel destin souhaiteriez-vous pour elle?
Nous souhaitons à Luna Pelota le meilleur destin qu’il soit. Qu’elle continue à être heureuse, qu’elle jouisse d’une bonne santé pour nous accompagner le plus longtemps possible. Si nous l’avions entraînée, je suis sûre qu’elle aurait été championne comme sa mère, car elle est vraiment très belle, intelligente et élégante.
En ce qui concerne les autres chiens de cette race, en particulier ceux qui sont abandonnés, ceux qui n’ont pas été valorisés, nous faisons un appel à l’état péruvien afin qu’il les protège de façon efficace. En effet, bien qu’il y ait une loi qui les déclare Patrimoine vivant, ils n’ont pas été traités de la façon qu’ils le méritent. On devrait organiser des campagnes de vaccination et de stérilisation pour les femelles, car pendant leur période de chaleurs elles s’accouplent avec des chiens d’autres races donnant ainsi engendrant ainsi de mauvais spécimens. Je félicite les familles qui ont un chien de cette race à la maison ; je leur demande de s’occuper des autres chiens en déshérence qui errent, sans nourriture et sans soins médicaux.
Gloria Caceres Vargas est née à Ayacucho, au Pérou, le 2 mai 1947. Elle est écrivaine, traductrice et professeure de langue et de littérature péruvienne. Elle a contribué à la diffusion de la littérature quechua et espagnole grâce à ses poèmes et ses histoires écrites dans les deux langues.
Parmi ses œuvres littéraires en quechua du sud et en espagnol, nous citerons Riqsinakusun/ Conozcámonos (Connaissons-nous), Munakuwaptiykiqa/ Si tú me quisieras (Si tu m’aimais), Wiñay suyasqayki / Te esperaré siempre (Je t’attendrai toujours) et Yuyaypa k’anchaqnin / Fulgor de mis recuerdos (Éclat de mes souvenirs) qui ont remporté un grand succès.
Elle a traduit des textes littéraires castillans en quechua, dont trois de José María Arguedas: Warma Kunay (L’amour de l’enfant) (1935), Yawar Willay (Avertissement de sang)(1945) et Hijo solo (Fils unique) (1957), publiés en version quechua en 2011.
Elle a été invitée à participer à des présentations à l’Institut Porras Barrenechea à Lima (2015), au siège de l’UNESCO à Paris (2015), à l’Université nationale de Huamanga à Ayacucho (2017), au Consulat du Pérou , à Florence (2017), à l’Université de Sapienza à Rome (2017) entre autres.
Elle a également contribué à des campagnes de sensibilisation pour la protection du Chien Nu du Pérou avec la traduction dans la langue quechua du film qui porte le même nom et la traduction et l’interprétation des vidéos et des conférences de l’Association pour la protection du patrimoine péruvien (APPP).
Sa contribution à la diffusion et à la préservation du patrimoine culturel péruvien tangible et intangible a été hautement reconnue par diverses institutions mondiales.