La France est le premier pays dans l’histoire à reconnaître officiellement le Chien nu du Pérou à fourrure !
Écrit par Pedro Santiago Allemant
Préjugés ou mauvais précédent? Ce qui est certain c’est qu’après des siècles d’existence, la variété du Chien nu du Pérou à fourrure est encore considérée par beaucoup comme » bâtarde » ou le résultat de défauts génétiques en raison des croisements des chiens sans poil et des chiens poilus. Cependant, grâce au travail dévoué de certains, cette idée devient non seulement totalement erronée, mais également néfaste pour la race elle-même, et que l’on parvient aujourd’hui à retrouver cette variante de la race dans certains pays étrangers exempte des stigmatisations et de la discrimination associée, et elle est déjà considérée non seulement comme une race officielle, mais aussi d’une grande popularité dans des foyers étrangers.
2 ou 3 chiens par portée, malheureusement, selon toute probabilité, ils seraient sacrifiés par l’éleveur à la naissance.
Le chien nu du Pérou à fourrure était considéré comme la honte de la famille; l’étrange parent qui doit être caché à tout prix. Ce qui signifie qu’il n’avait presque aucune chance de lui trouver une famille qui s’occupe de lui. Cependant, le pourcentage moyen de la population de chiens nés à poils est d’environ 25%, soit une probabilité de 2 ou 3 poilus dans une portée de 6 à 8. C’est à dire, 2 ou 3 chiens par portée que, malheureusement selon toute probabilité, l’éleveur sacrifiera à leur naissance.
Au début des années 2000, alors que j’étais dans un championnat canin, j’ai posé une question à une éleveuse: “ Que faites-vous quand vous avez un poilue dans la portée? ”
Elle m’a répondu: “ Si vous avez un poilu, vous l’éliminez ou vous vous tirez une balle dans la tête! ”
Cet événement a suscité tout mon intérêt et j’ai voulu immédiatement approfondir ma connaissance de cette variante de la race ancestrale afin de comprendre cette incohérence de la nature qui produit comme “ tares ” génétiques des sujets nés presque exceptionnellement sans un trait qui, vu d’une autre point de vue, est en soi un “ défaut ” génétique : la manque de poils. Mon intention était alors de chercher des moyens de prévention, en raison de l’existence de certains sujets qui ne correspondaient pas aux caractéristiques de la race définitivement obtenus, afin d’éviter d’endommager le prestige que la race “ le Chien nu du Pérou ” finalement et avec grand effort avait déjà obtenu. Autrement dit, ne laisser pas que des sujets poilus mettent notre Chien nu dans la rubrique de race incertaine, susceptible à des “ défauts ” génétiques. Ce que je trouverais, cependant, était beaucoup plus dramatique et a complètement changé ma perspective du Chien nu et de sa variante à fourrure.
Pour comprendre la variante à fourrure, je me suis dit, je dois d’abord comprendre pourquoi les chiens nus existent. C’est ainsi que je me suis peu à peu aventuré dans un monde d’histoire, de géographie et de génétique qui m’a permis de rencontrer directement le responsable: le gène “ FOXI3 ”; et cela m’a apporté, en même temps, la preuve la plus incontestable de l’affaire en faveur des poilus.
Il est pertinent de croiser un chien qui est né sans poils avec un autre qui est né » à poils » sous certains critères. [Voir l’annexe I pour connaître le standard de la race].
Le biologiste Victor F. Vásquez Sánchez explique que le FOXI3 “ est un gène qui est présent dans plusieurs mammifères, et que dans le cas du chien nu du Pérou, se manifeste comme une maladie qui entraîne une perte de poils et des changements dans leur dentition ”. Il explique également qu’il existe deux variantes d’un même gène: une dominante H (responsable de la manque de poils) et un gène récessif h (non muté, c’est-à-dire le responsable du poil). Le gène apparaît toujours en paires et, lorsque la variante dominante est présente dans l’une des copies, Hh, il se manifestera toujours de façon évidente physiquement chez le chien et il naîtra sans poils. Par contre, s’il arrive que les deux copies du gène soient récessives, hh, le chien naîtra poilu. Et que les deux se reproduisent dans la même portée, que certains individus soient Hh et d’autres, hh, est absolument naturel et inévitable, ce qui conduit à la première constatation: que le chien à poils est naturel et inévitable.
Mais Vásquez Sánchez continue à nous expliquer ce qui est particulièrement important pour l’avenir de la race: il nous dit que lorsque deux copies de la variante dominante, HH se retrouvent, le gène FOXI3 devient létal, tuant l’embryon. Ce qui est exactement ce que nous devons éviter pour préserver cette race, nous dit-il. Cela signifie que pour la survie de l’animal il est nécessaire d’assurer que la combinaison HH ne se reproduise pas et pour cela, dit-il, il faut éviter “ croiser le chiens nus consanguins et sans discernement, il vaut mieux les croiser avec d’autres sujets ”, faire aussi des croissements des chien nus avec des sujets de la même race à poils, et faire en sorte d’éliminer efficacement la possibilité que la variante sans poils, H , du gène FOXI3, se duplique et qu’elle ne provoque pas la mort de l’embryon. (Vásquez Sánchez, Victor F., FOXI3 – Biologiste, études MSc biotechnologie végétale et doctorat en génétique et en biologie cellulaire à l’Université autonome de Madrid – ARQUEOBIOS).
Ainsi, j’obtenait non seulement la réponse au mystère du manque de poils de cette race primitive, mais aussi la preuve de l’importance de leur variante poilue dans la survie de la race, pour moi, il était clair que toute tentative de se débarrasser de la variante avec à poils ne ferait que mettre en danger le Chien nu du Pérou. [Voir l’annexe II pour plus d’informations concernant cette constatation.]
Heureusement, peu de temps après le début de mes recherches, le monde a également commencé à changer le regard négatif que j’avais envers les chiens nus à poils.
Magenta Sweety Punk, une chienne de variété à fourrure, devient Vainqueur du Monde!]
Depuis 1996, après plusieurs demandes écrites, le Club de Chihuahua et chiens exotiques (CCCE), présidé par M. Goran Brick, a reçu un avis favorable de la Société Centrale Canine de France (SCC), pour inscrire à la prochaine réunion de la Commission zootechnique la discussion sur l’utilisation de la variété à fourrure dans le plan d’élevage. (Club Français du Chihuahua, du Coton de Tuléar et des Exotiques – affilié à la Société Centrale Canine – agrée par le Ministére de l’Agriculture.)
Enfin, la variété à fourrure est approuvée par la SCC, le 9 Juillet 2008, cela marque une deuxième victoire de la race Chien nu du Pérou –la première était son admission comme race officielle treize années auparavant -.
Cette action n’était que le début. Les éleveurs français ne seraient pas satisfaits d’une acceptation nationale, car pour que cette variété soit reconnue dans le monde entier, elle devait être approuvée par le Pérou, son pays d’origine. Cependant, selon les éleveurs européens, cette variété n’a pas été officiellement reconnue au Pérou, car seul les sujets nus y était reconnus, laissant ainsi de côté les exigences génétiques que j’avais déjà mentionnées.
Estelle Anthoni Koch, éleveuse française de Chien nu du Pérou, nous explique les difficultés qu’ils ont rencontrées et continuent à faire face les éleveurs français, d’abord dans la lutte pour la revendication du chien à fourrure: “ Nous nous sommes battus pour que les poilus soient reconnus parce qu’au début, personne ne voulait les enregistrer dans le livres d’origines français comme les autres chiens. Enfin, la France a réussi à être le premier pays à accepter l’enregistrement des chiens à fourrure, même si, au début, nous n’avions toujours pas le droit de les présenter dans des expositions. Donc, un nouveau combat a commencé dans ce but. Malgré tout cela, il est pas encore bien représenté [le chien à fourrure] parce qu’on les trouve rarement dans des expositions et même dans la reproduction on ne les garde pas toujours parce qu’un Chien nu du Pérou est, par définition, nu, par conséquent nous ne voulons pas avoir beaucoup de poilus. Je pense que c’est à cause de la crainte que l’élevage en soit rempli. J’avoue qu’en principe, c’est le nu que nous aimons le plus! ”
En même temps, il ne faut pas oublier que d’autres pays européens, dont l’Allemagne et la Suède, se sont également aventurés dans la reconnaissance de cette variété à fourrure dans leurs programmes de reproduction.
En 2010, Choopetta de Luna Capreza obtient le titre de Champion de France, devenant ainsi la première chienne péruvienne à fourrure de l’histoire à obtenir un tel prix. Cette reconnaissance place la France comme pays leader dans la récupération et la protection de cette race péruvienne ancestrale et Choopetta comme précurseur de la variété à fourrure dans ce pays et dans le monde.
Enfin, en 2013, cette variété est reconnue par la Fédération Cynologique Internationale, permettant l’ouverture du pedigree du Chien nu du Pérou avec sa nouvelle variété à fourrure. Cinq années de lutte pour les éleveurs français et européens afin que leurs chiens poilus puissent entrer dans des programmes d’élevage finalement ont porté leurs fruits. Maintenant, le rêve est devenu réalité! (https://elcomercio.pe/lima/conoce-variedad-perros-peruanos-pelo-252165).
Ainsi, en 2015, pour la première fois dans l’histoire de la cynologie mondiale, Magenta Sweety Punk, une chienne de variété à fourrure, devient Vainqueur du Monde (World Winner)! Magenta, qui se vante de manière surprenante dont ce chien primitif péruvien est devenu aujourd’hui un citoyenne officielle du monde, vient d’un élevage belge et appartient à une croate.
Cette victoire motive encore plus les éleveurs européens et péruviens et, en général, tous ceux qui souhaitent faire respecter la valeur du Chien nu du Pérou dans toutes ses variantes. Mais il ne faut pas oublier la route qui y a mené. De l’extérieur, il est facile de rejeter les vicissitudes du Chien nu à fourrure comme des excentricités d’un groupe de personnes très
spécifique ou, au mieux, la preuve de la façon dont le monde fonctionne: le rejet, la ségrégation, pour en suite évoluer progressivement vers la tolérance et l’acceptation. Mais derrière ces chiffres et statistiques il y a des individus touchés par celles-ci au cours des années avant que ce combat puisse aboutir : comme tous les chiens à fourrure qui ont été éliminés pour être différents, et les éleveurs qui ont été contraints de quitter leur activités pour être la cible de critiques et de diffamation à l’égard des secteurs qui hésitent à changer.
ANNEXE I: FAITS SCIENTIFIQUES
Les Chiens nus du Pérou, les Chiens chinois à crête et le Chien nu mexicain se caractérisent par peu de fourrure ou absente, ainsi que par des dents permanents manquants ou déformés (5, 10). La revue Nature nous parle de la structure de la prémolaire mandibulaire et maxillaire et des molaires permanentes associées au FOXI3 dans une collection de squelettes de pedigree historique de chiens nus et à fourrure. Cet échantillon unique, résulte d’une étude de reproduction de Ludwig Plate, disciple d’Ernst Haeckel à Jena, depuis le début du 20ème siècle, conçu à l’origine pour étudier l’héritage des caractéristiques des poils et de la peau. (https://www.nature.com/articles/s41598-017-05764-5.pdf)
Ludwig Plate a écrit un ouvrage intitulé “Thorough and Extensive defence” (Défense vaste et approfondie (darwinisme)). (https://en.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Hermann_Plate).
ESTÁNDAR-FCI N° 310 – PERRO SIN PELO DEL PERÚ (CHIEN NU DU PÉROU):
http://www.fci.be/Nomenclature/Standards/310g05-es.pdf
ANNEXE II: RAPPEL DES FAITS FONDAMENTAUX (CCCE – France):
(Club Français du Chihuahua, du Coton de Tuléar et des Exotiques – affilié à la Société Centrale Canine – agrée par le Ministère de l’Agriculture.)
La variété à poil n’est donc pas consécutive d’une tare génétique et le fait de l’exclure de la reproduction ne pourra pas supprimer la naissance future et constante de sujets poilus.
Si l’on accepte cette notion de létalité du FOXI3 (le gène “ sans poils ”) lorsque cela est dupliqué dans le sujet, l’on doit en accepter la résultante que tous les sujets vivants sont sans poils ont deux gènes différents: un “ sans poils ” et un “ poilu ”, étant le “ sans poils ” le dominant et, par conséquent, celui qui se manifeste physiquement chez le sujet. Ainsi, l’accouplement de deux sujets nus produit nécessairement et statistiquement 25% des chiens poilus dans la portée, car chaque parent a un gène “ poilu ” à offrir. Le fait fondamental est qu’aucun programme d’éradication ne peut mettre un terme à cela: nécessaire et naturellement, il y aura des sujets à fourrure.
De ce fait, la variété à poil n’est donc pas consécutive d’une tare génétique et le fait de l’exclure de la reproduction ne pourra pas supprimer la naissance future et constante de sujets poilus.
L’élimination des poilus représente une perte de leur patrimoine génétique. Cette perte constante de capital génétique était catastrophique si l’on considère que c’est une race extrêmement rare.
Statistiquement, l’accouplement de deux sujets nus donne:
- 1/4 ou 25% des sujets viables produits de deux gènes “ poilus ”: ces chiens naissent donc couverts de fourrure. En France, en général, ils ont été euthanasiés, ce qui représente une perte de leur capital génétique, en contradiction flagrante avec la position de la Commission Zootechnique qui préconise, à l’intérieur de la race, une variabilité génétique aussi importante que possible. Cette perte constante de capital génétique était catastrophique si l’on considère que c’est une race extrêmement rare.
- 1/4 ou 25% des sujets non viables produits par deux gènes “ nus ”: ces chiens meurent à l’état embryonnaire.
- 2/4 ou 50% des sujets viables issus d’un gène “ nu ” et d’un gène “ poilu ”: ces chiens naissent nus.
En pratique et du fait de la létalité des sujets produits par deux gènes “ nus ”, au moins 1/3 ou 33% des chiots viables sont toujours des sujets poilus.
En France, les dispositions prises en faveur de l’inclusion de la variété à poil ont été destinées à aider à élever le Chien nu du Pérou grâce:
- à un élargissement du nombre de reproducteurs
- au maintien d’une variabilité génétique suffisante
- à la diminution de la mortalité prénatale et postnatale par une diminution de la procréation entre deux sujets nus.
Il convient de noter, enfin, que dans la plupart des pays régis par la FCI, cette non-reconnaissance a interdit à la variété à poil d’être présentée en exposition mais ne l’a pas exclue en aucun cas de la reproduction. Cette pratique représentait déjà un grand progrès dans l’élevage de la race par les Européens.
Remerciements:
Daniel Arnoult, actuel président du club CCCE (club de Chihuahua et chiens exotiques).
Biol. Víctor Félix Vásquez Sánchez – spécialiste en bioarchéologie, biologie cellulaire et génétique – Professeur honoraire du département de biologie de l’Université autonome de Madrid. Directeur d’ARQUEOBIOS.