Le chien poilu: Pourquoi cette variété méconnue et oubliée est la clé de la survie du Chien nu du Pérou ?

La France est le premier pays dans l’histoire à reconnaître officiellement le Chien nu du Pérou à fourrure !

Écrit par Pedro Santiago Allemant

Préjugés ou mauvais précédent? Ce qui est certain c’est qu’après des siècles d’existence, la variété du Chien nu du Pérou à fourrure est encore considérée par beaucoup comme  » bâtarde  » ou le résultat de défauts génétiques en raison des croisements des chiens sans poil et des chiens poilus. Cependant, grâce au travail dévoué de certains, cette idée devient non seulement totalement erronée, mais également néfaste pour la race elle-même, et que l’on parvient aujourd’hui à retrouver cette variante de la race dans certains pays étrangers exempte des stigmatisations et de la discrimination associée, et elle est déjà considérée non seulement comme une race officielle, mais aussi d’une grande popularité dans des foyers étrangers.

2 ou 3 chiens par portée, malheureusement, selon toute probabilité, ils seraient sacrifiés par l’éleveur à la naissance.

Le chien nu du Pérou à fourrure était considéré comme la honte de la famille; l’étrange parent qui doit être caché à tout prix. Ce qui signifie qu’il n’avait presque aucune chance de lui trouver une famille qui s’occupe de lui. Cependant, le pourcentage moyen de la population de chiens nés à poils est d’environ 25%, soit une probabilité de 2 ou 3 poilus dans une portée de 6 à 8. C’est à dire, 2 ou 3 chiens par portée que, malheureusement selon toute probabilité, l’éleveur sacrifiera à leur naissance.

Ella’Chakana de Kalidor (ejemplar hembra: Perro sin Pelo del Perú – variedad con pelo) de Estelle Anthoni Koch – Francia – appp-adpp ©2018

Au début des années 2000, alors que j’étais dans un championnat canin, j’ai posé une question à une éleveuse: “ Que faites-vous quand vous avez un poilue dans la portée? ”

Elle m’a répondu: “ Si vous avez un poilu, vous l’éliminez ou vous vous tirez une balle dans la tête! ”

Cet événement a suscité tout mon intérêt et j’ai voulu immédiatement approfondir ma connaissance de cette variante de la race ancestrale afin de comprendre cette incohérence de la nature qui produit comme “ tares ” génétiques des sujets nés presque exceptionnellement sans un trait qui, vu d’une autre point de vue, est en soi un “ défaut ” génétique : la manque de poils. Mon intention était alors de chercher des moyens de prévention, en raison de l’existence de certains sujets qui ne correspondaient pas aux caractéristiques de la race définitivement obtenus, afin d’éviter d’endommager le prestige que la race “ le Chien nu du Pérou ” finalement et avec grand effort avait déjà obtenu. Autrement dit, ne laisser pas que des sujets poilus mettent notre Chien nu dans la rubrique de race incertaine, susceptible à des “ défauts ” génétiques. Ce que je trouverais, cependant, était beaucoup plus dramatique et a complètement changé ma perspective du Chien nu et de sa variante à fourrure.

Pour comprendre la variante à fourrure, je me suis dit, je dois d’abord comprendre pourquoi les chiens nus existent. C’est ainsi que je me suis peu à peu aventuré dans un monde d’histoire, de géographie et de génétique qui m’a permis de rencontrer directement le responsable: le gène “ FOXI3 ”; et cela m’a apporté, en même temps, la preuve la plus incontestable de l’affaire en faveur des poilus.

Il est pertinent de croiser un chien qui est né sans poils avec un autre qui est né  » à poils  » sous certains critères. [Voir l’annexe I pour connaître le standard de la race].

Ejemplares Perro sin Pelo del Perú – variedad sin pelo y con pelo de Estelle Anthoni Koch (criadero de Korrantoh, Francia) – appp-adpp ©2018.

Le biologiste Victor F. Vásquez Sánchez explique que le FOXI3 “ est un gène qui est présent dans plusieurs mammifères, et que dans le cas du chien nu du Pérou, se manifeste comme une maladie qui entraîne une perte de poils et des changements dans leur dentition ”. Il explique également qu’il existe deux variantes d’un même gène: une dominante H (responsable de la manque de poils) et un gène récessif h (non muté, c’est-à-dire le responsable du poil). Le gène apparaît toujours en paires et, lorsque la variante dominante est présente dans l’une des copies, Hh, il se manifestera toujours de façon évidente physiquement chez le chien et il naîtra sans poils. Par contre, s’il arrive que les deux copies du gène soient récessives, hh, le chien naîtra poilu. Et que les deux se reproduisent dans la même portée, que certains individus soient Hh et d’autres, hh, est absolument naturel et inévitable, ce qui conduit à la première constatation: que le chien à poils est naturel et inévitable.

Mais Vásquez Sánchez continue à nous expliquer ce qui est particulièrement important pour l’avenir de la race: il nous dit que lorsque deux copies de la variante dominante, HH se retrouvent, le gène FOXI3 devient létal, tuant l’embryon. Ce qui est exactement ce que nous devons éviter pour préserver cette race, nous dit-il. Cela signifie que pour la survie de l’animal il est nécessaire d’assurer que la combinaison HH ne se reproduise pas et pour cela, dit-il, il faut éviter “ croiser le chiens nus consanguins et sans discernement, il vaut mieux les croiser avec d’autres sujets ”, faire aussi des croissements des chien nus avec des sujets de la même race à poils, et faire en sorte d’éliminer efficacement la possibilité que la variante sans poils, H , du gène FOXI3, se duplique et qu’elle ne provoque pas la mort de l’embryon. (Vásquez Sánchez, Victor F., FOXI3 – Biologiste, études MSc biotechnologie végétale et doctorat en génétique et en biologie cellulaire à l’Université autonome de Madrid – ARQUEOBIOS).

Ainsi, j’obtenait non seulement la réponse au mystère du manque de poils de cette race primitive, mais aussi la preuve de l’importance de leur variante poilue dans la survie de la race, pour moi, il était clair que toute tentative de se débarrasser de la variante avec à poils ne ferait que mettre en danger le Chien nu du Pérou. [Voir l’annexe II pour plus d’informations concernant cette constatation.]

Heureusement, peu de temps après le début de mes recherches, le monde a également commencé à changer le regard négatif que j’avais envers les chiens nus à poils.

Magenta Sweety Punk, une chienne de variété à fourrure, devient Vainqueur du Monde!]

World Dog Show – Milano 2015: Magenta Sweety Punk (ejemplar hembra de raza Perro sin Pelo del Perú – variedad con pelo – 1er ejemplar con pelo en la historia Vencedor de un campeonato mundial de la FCI) y Anja Čondrič de Croacia – appp-adpp ©2018.

Depuis 1996, après plusieurs demandes écrites, le Club de Chihuahua et chiens exotiques (CCCE), présidé par M. Goran Brick, a reçu un avis favorable de la Société Centrale Canine de France (SCC), pour inscrire à la prochaine réunion de la Commission zootechnique la discussion sur l’utilisation de la variété à fourrure dans le plan d’élevage. (Club Français du Chihuahua, du Coton de Tuléar et des Exotiques – affilié à la Société Centrale Canine – agrée par le Ministére de l’Agriculture.)

Enfin, la variété à fourrure est approuvée par la SCC, le 9 Juillet 2008, cela marque une deuxième victoire de la race Chien nu du Pérou –la première était son admission comme race officielle treize années auparavant -.

Cette action n’était que le début. Les éleveurs français ne seraient pas satisfaits d’une acceptation nationale, car pour que cette variété soit reconnue dans le monde entier, elle devait être approuvée par le Pérou, son pays d’origine. Cependant, selon les éleveurs européens, cette variété n’a pas été officiellement reconnue au Pérou, car seul les sujets nus y était reconnus, laissant ainsi de côté les exigences génétiques que j’avais déjà mentionnées.

Estelle Anthoni Koch, éleveuse française de Chien nu du Pérou, nous explique les difficultés qu’ils ont rencontrées et continuent à faire face les éleveurs français, d’abord dans la lutte pour la revendication du chien à fourrure: “ Nous nous sommes battus pour que les poilus soient reconnus parce qu’au début, personne ne voulait les enregistrer dans le livres d’origines français comme les autres chiens. Enfin, la France a réussi à être le premier pays à accepter l’enregistrement des chiens à fourrure, même si, au début, nous n’avions toujours pas le droit de les présenter dans des expositions. Donc, un nouveau combat a commencé dans ce but. Malgré tout cela, il est pas encore bien représenté [le chien à fourrure] parce qu’on les trouve rarement dans des expositions et même dans la reproduction on ne les garde pas toujours parce qu’un Chien nu du Pérou est, par définition, nu, par conséquent nous ne voulons pas avoir beaucoup de poilus. Je pense que c’est à cause de la crainte que l’élevage en soit rempli. J’avoue qu’en principe, c’est le nu que nous aimons le plus! ”

En même temps, il ne faut pas oublier que d’autres pays européens, dont l’Allemagne et la Suède, se sont également aventurés dans la reconnaissance de cette variété à fourrure dans leurs programmes de reproduction.

En 2010, Choopetta de Luna Capreza obtient le titre de Champion de France, devenant ainsi la première chienne péruvienne à fourrure de l’histoire à obtenir un tel prix. Cette reconnaissance place la France comme pays leader dans la récupération et la protection de cette race péruvienne ancestrale et Choopetta comme précurseur de la variété à fourrure dans ce pays et dans le monde.

Enfin, en 2013, cette variété est reconnue par la Fédération Cynologique Internationale, permettant l’ouverture du pedigree du Chien nu du Pérou avec sa nouvelle variété à fourrure. Cinq années de lutte pour les éleveurs français et européens afin que leurs chiens poilus puissent entrer dans des programmes d’élevage finalement ont porté leurs fruits. Maintenant, le rêve est devenu réalité! (https://elcomercio.pe/lima/conoce-variedad-perros-peruanos-pelo-252165).

World Dog Show – Milano 2015: Lidija von Richet (Croacia), Roberto Velez Pico (juez canino de Puerto Rico – FCI) y Anja Čondrič (Croacia) con Nuevo Callao Pazzda y Magenta Sweety Punk (ejemplares macho y hembra de raza Perro sin Pelo del Perú – variedad sin pelo y con pelo (canes de República Checa y Croacia) – appp-adpp ©2018

Ainsi, en 2015, pour la première fois dans l’histoire de la cynologie mondiale, Magenta Sweety Punk, une chienne de variété à fourrure, devient Vainqueur du Monde (World Winner)! Magenta, qui se vante de manière surprenante dont ce chien primitif péruvien est devenu aujourd’hui un citoyenne officielle du monde, vient d’un élevage belge et appartient à une croate.

Cette victoire motive encore plus les éleveurs européens et péruviens et, en général, tous ceux qui souhaitent faire respecter la valeur du Chien nu du Pérou dans toutes ses variantes. Mais il ne faut pas oublier la route qui y a mené. De l’extérieur, il est facile de rejeter les vicissitudes du Chien nu à fourrure comme des excentricités d’un groupe de personnes très

Lidija Klemencic (Croacia) y Vita (Gruffalina’s Partner in Crime with WW – Ejemplar hembra de raza Perro sin pelo del Perú con pelo). Photo by Maurico Alvarez – appp-adpp ©2018

spécifique ou, au mieux, la preuve de la façon dont le monde fonctionne: le rejet, la ségrégation, pour en suite évoluer progressivement vers la tolérance et l’acceptation. Mais derrière ces chiffres et statistiques il y a des individus touchés par celles-ci au cours des années avant que ce combat puisse aboutir : comme tous les chiens à fourrure qui ont été éliminés pour être différents, et les éleveurs qui ont été contraints de quitter leur activités pour être la cible de critiques et de diffamation à l’égard des secteurs qui hésitent à changer.

ANNEXE I: FAITS SCIENTIFIQUES

Can de variedad con pelo de padres sin pelo con incisivos muy deteriorados por la edad (FCI: En la variedad con pelo la dentición debe ser completa con dientes de desarrollo y posición normal (no debe faltar más de una pieza dental en la variedad con pelo). Foto : Arql. Teresa Rosales Tham, Perú.

Les Chiens nus du Pérou, les Chiens chinois à crête et le Chien nu mexicain se caractérisent par peu de fourrure ou absente, ainsi que par des dents permanents manquants ou déformés (5, 10). La revue Nature nous parle de la structure de la prémolaire mandibulaire et maxillaire et des molaires permanentes associées au FOXI3 dans une collection de squelettes de pedigree historique de chiens nus et à fourrure. Cet échantillon unique, résulte d’une étude de reproduction de Ludwig Plate, disciple d’Ernst Haeckel à Jena, depuis le début du 20ème siècle, conçu à l’origine pour étudier l’héritage des caractéristiques des poils et de la peau. (https://www.nature.com/articles/s41598-017-05764-5.pdf)

Ludwig Plate a écrit un ouvrage intitulé Thorough and Extensive defence (Défense vaste et approfondie (darwinisme)). (https://en.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Hermann_Plate).

ESTÁNDAR-FCI N° 310 – PERRO SIN PELO DEL PERÚ (CHIEN NU DU PÉROU):

http://www.fci.be/Nomenclature/Standards/310g05-es.pdf

ANNEXE II: RAPPEL DES FAITS FONDAMENTAUX (CCCE – France):

(Club Français du Chihuahua, du Coton de Tuléar et des Exotiques – affilié à la Société Centrale Canine – agrée par le Ministère de l’Agriculture.)

La variété à poil n’est donc pas consécutive d’une tare génétique et le fait de l’exclure de la reproduction ne pourra pas supprimer la naissance future et constante de sujets poilus.

Si l’on accepte cette notion de létalité du FOXI3 (le gène “ sans poils ”) lorsque cela est dupliqué dans le sujet, l’on doit en accepter la résultante que tous les sujets vivants sont sans poils ont deux gènes différents: un “ sans poils ” et un “ poilu ”, étant le “ sans poils ” le dominant et, par conséquent, celui qui se manifeste physiquement chez le sujet. Ainsi, l’accouplement de deux sujets nus produit nécessairement et statistiquement 25% des chiens poilus dans la portée, car chaque parent a un gène “ poilu ” à offrir. Le fait fondamental est qu’aucun programme d’éradication ne peut mettre un terme à cela: nécessaire et naturellement, il y aura des sujets à fourrure.

De ce fait, la variété à poil n’est donc pas consécutive d’une tare génétique et le fait de l’exclure de la reproduction ne pourra pas supprimer la naissance future et constante de sujets poilus.

L’élimination des poilus représente une perte de leur patrimoine génétique. Cette perte constante de capital génétique était catastrophique si l’on considère que c’est une race extrêmement rare.

Statistiquement, l’accouplement de deux sujets nus donne:

  • 1/4 ou 25% des sujets viables produits de deux gènes “ poilus ”: ces chiens naissent donc couverts de fourrure. En France, en général, ils ont été euthanasiés, ce qui représente une perte de leur capital génétique, en contradiction flagrante avec la position de la Commission Zootechnique qui préconise, à l’intérieur de la race, une variabilité génétique aussi importante que possible. Cette perte constante de capital génétique était catastrophique si l’on considère que c’est une race extrêmement rare.
  • 1/4 ou 25% des sujets non viables produits par deux gènes “ nus ”: ces chiens meurent à l’état embryonnaire.
  • 2/4 ou 50% des sujets viables issus d’un gène “ nu ” et d’un gène “ poilu ”: ces chiens naissent nus.

En pratique et du fait de la létalité des sujets produits par deux gènes “ nus ”, au moins 1/3 ou 33% des chiots viables sont toujours des sujets poilus.

En France, les dispositions prises en faveur de l’inclusion de la variété à poil ont été destinées à aider à élever le Chien nu du Pérou grâce:

  • à un élargissement du nombre de reproducteurs
  • au maintien d’une variabilité génétique suffisante
  • à la diminution de la mortalité prénatale et postnatale par une diminution de la procréation entre deux sujets nus.

Il convient de noter, enfin, que dans la plupart des pays régis par la FCI, cette non-reconnaissance a interdit à la variété à poil d’être présentée en exposition mais ne l’a pas exclue en aucun cas de la reproduction. Cette pratique représentait déjà un grand progrès dans l’élevage de la race par les Européens.

Remerciements:

Daniel Arnoult, actuel président du club CCCE (club de Chihuahua et chiens exotiques).

Biol. Víctor Félix Vásquez Sánchez – spécialiste en bioarchéologie, biologie cellulaire et génétique – Professeur honoraire du département de biologie de l’Université autonome de Madrid. Directeur d’ARQUEOBIOS.

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Entretien avec Gloria Cáceres Vargas: « La langue quechua et le Chien Nu du Pérou »

Sachez-en plus sur Gloria Cáceres Vargas et son engagement envers le chien nu péruvien …

Par Pedro-Santiago Allemant – Association pour la protection du patrimoine péruvien (APPP).

 

Quand avez-vous découvert votre penchant pour l’écriture et la traduction en quechua ?

Quand j’étais étudiante à l’Université Federico Villarreal, vers l’année 1967, mon professeur de littérature latino-américaine m’a donné un texte en quechua à traduire en espagnol. C’était mon premier effort de traduction. J’avais la maîtrise orale des deux langues et je me suis rendu compte que j’étais capable aussi d’écrire des textes en quechua.

Quelle est la relation de la langue quechua avec la faune péruvienne ?

La relation est étroite car la faune, la flore et d’autres éléments culturels tels que la langue, la musique … font partie de notre culture et de notre réalité. En outre, la langue est l’élément le plus important car elle transmet la vision du monde d’un peuple. La faune et la flore ont toujours été présentes dans nos vies et ont été observées dans de nombreuses histoires ainsi que dans les huacos de nos cultures ancestrales.

Avez-vous eu des chiens dans votre enfance ou votre jeunesse ?

Quand j’étais enfant, je me souviens que j’avais des petits chiens; et je me souviens surtout d’une qui s’appelait Kajera. Ce n’était pas seulement une chienne de compagnie , mais aussi une compagne de jeux, elle représentait tout; parfois c’était une vache, d’autres fois, un âne, un oiseau, …. En plus de jouer avec nous, c’était l’assistante de mon père, elle était chargée de surveiller les vaches et de s’en occuper. J’ai toujours eu des chiens parce qu’ils sont très affectueux et qu’ils vous donnent de l’amour sans rien attendre en échange qu‘un peu d’attention.

Luna Pelota (chien de race Perro sin Pelo del Perú) – photo de Patricia Cáceres Murga (propriétaire de Luna Pelota).

Que pensez-vous du Chien Nu du Pérou ?

Dans mon enfance et ma jeunesse, je n’ai jamais eu de chien nu. J’ai eu des chiens de différentes races et aussi des croisés qui ne demandaient pas beaucoup de soins jusqu’au jour où ma nièce est arrivée avec un petit chien nu chocolat, aux grandes oreilles et aux grands yeux. Elle l’a appelée Luna Pelota. Elle était de petite taille. Et quand je la caressais, je sentais que sa peau était douce et qu’elle inspirait une certaine tendresse, c’était comme caresser un bébé. À partir de ce moment là, elle est devenue comme un nouveau membre de la famille qui nous a tous conquis.

Pourquoi avez-vous décidé de soutenir les réalisateurs du film « El Perro sin Pelo del Perú » et de traduire leur film en langue quechua ?

Quand j’ai rencontré Pedro-Santiago au siège de l’UNESCO, à Paris en 2015, j’ai appris qu’il travaillait sur le Chien Nu du Pérou. J’ai été très touchée de savoir qu’il y a des gens comme lui qui se sont engagés dans la récupération, la revalorisation d’éléments vivants de notre culture, comme dans le cas présent le Chien Nu du Pérou (Perumanta q’ala Allqu), sans aucune contrepartie financière. Cela a suscité mon admiration et le désir de les soutenir et la seule manière de le faire pour moi, c’était de traduire le film et d’autres projets qu’il m’a confiés, en langue quechua. Tous deux, Pedro-Santiago comme François, investissent leur temps, leur passion et leur argent à réaliser un documentaire qui met en valeur l’existence de ce héros de l’histoire non seulement péruvienne, mais aussi de l’histoire américaine, un chien qui a survécu au temps, malgré les conditions climatiques défavorables.

Quelle est la relation entre la langue quechua et le Chien Nu du Pérou ?

Comme le quechua, le Chien Nu du Pérou est un élément culturel qui a surmonté toutes les vicissitudes du temps et de l’évolution historique. Par exemple dans la langue quechua, le mot / allqu / prouve l’existence de l’animal. Comme le quechua est une famille de langues, cela veut dire qu’il existe parmi toutes ses formes un mot qui le désigne avec de légères variations : / alc / ~ / alkho /. Cela signifie qu’il a toujours vécu avec l’homme péruvien d’aujourd’hui comme d’hier.

D’après le film, le Chien Nu du Pérou semble avoir acquis une réputation internationale et être devenu le centre d’attention des scientifiques accrédités et des professionnels étrangers qui ne parlent pas notre langue. Comment ressentez-vous le fait de rapporter leurs affirmations et arguments en langue quechua, langue native du lieu d’origine de ce canidé millénaire ?

Traduire en quechua l’avis des scientifiques accrédités et professionnels péruviens et étrangers est pour moi une expérience gratifiante et enrichissante dans tous les sens du terme. C’est également une fierté pour moi de pouvoir contribuer à sa connaissance en quechua, non seulement parce que cela universalise le Chien Nu Péruvien, mais aussi parce que nous faisons du quechua une langue de traduction et de communication. Historiquement, le chien a toujours accompagné l’homme et tous deux ont besoin des chercheurs en sciences sociales et des spécialistes de cette espèce afin d’apporter leurs connaissances et leur appréciation d’autant plus que le quechua et le Chien Nu du Pérou sont en vie et sont notre fierté.

Gloria Cáceres Vargas (professeur, écrivaine, traductrice de langue quechua et traductrice du film « El Perro sin Pelo del Perú ») et Túpac (chien de race Perro sin Pelo del Perú du Musée du site de Pachacamac). Photo: APPP ©appp 2018

Lors de votre participation à la conférence qui a eu lieu au Musée de Pachacamac vous avez approché Tupac, l’un des protagonistes du film. Quel a été votre sentiment de le voir en personne après l’avoir vu dans le film comme chien mythique et natif du Pérou?

En général, tous les chiens éveillent en moi une grande tendresse. Je crois que ces animaux ont juste besoin de parler. Quand j’ai vu Tupac, l’un des protagonistes du documentaire, je me suis approchée de lui, j’ai pris ses petites pattes et je lui ai chuchoté en quechua mon amour pour lui, il est resté immobile. Il y a eu un moment de communion et j’ai senti qu’il était mien. Il restait humble tout en étant l’un des héros du film. Il est passé ensuite dans les bras de Santiago et il y est resté pendant toute la présentation qui a suivi la projection du documentaire.

Luna Pelota (chien de race Perro sin Pelo del Perú) – photo de Patricia Cáceres Murga (propriétaire de Luna Pelota).

Pouvez-vous nous parler de « Luna Pelota » ?

Luna Pelota est arrivée chez nous quand elle avait environ cinq mois et depuis, elle s’est adaptée à la famille. Au début elle était un peu réservée mais par la suite, elle a adopté Patty qui est devenue sa mère, puis elle a adopté toute la famille. Quand elle rencontre quelqu’un au début, elle se méfie, mais très vite, elle s’approche de la personne et se laisse caresser. Elle aura bientôt 5 ans.

Quelle relation entretenez-vous avec elle?

Ma relation avec elle est très étroite, c’est un membre de la famille; Lune Pelota cohabite avec d’autres chiens dont des petites chiennes d’autres races, mais elle a une place particulière qu’elle a imposée aux autres. C est une princesse comme une fille de championne des concours canins. Elle est très gâtée et intelligente en même temps.

Quel destin souhaiteriez-vous pour elle?

Nous souhaitons à Luna Pelota le meilleur destin qu’il soit. Qu’elle continue à être heureuse, qu’elle jouisse d’une bonne santé pour nous accompagner le plus longtemps possible. Si nous l’avions entraînée, je suis sûre qu’elle aurait été championne comme sa mère, car elle est vraiment très belle, intelligente et élégante.

En ce qui concerne les autres chiens de cette race, en particulier ceux qui sont abandonnés, ceux qui n’ont pas été valorisés, nous faisons un appel à l’état péruvien afin qu’il les protège de façon efficace. En effet, bien qu’il y ait une loi qui les déclare Patrimoine vivant, ils n’ont pas été traités de la façon qu’ils le méritent. On devrait organiser des campagnes de vaccination et de stérilisation pour les femelles, car pendant leur période de chaleurs elles s’accouplent avec des chiens d’autres races donnant ainsi engendrant ainsi de mauvais spécimens. Je félicite les familles qui ont un chien de cette race à la maison ; je leur demande de s’occuper des autres chiens en déshérence qui errent, sans nourriture et sans soins médicaux.

Gloria Caceres Vargas est née à Ayacucho, au Pérou, le 2 mai 1947. Elle est écrivaine, traductrice et professeure de langue et de littérature péruvienne. Elle a contribué à la diffusion de la littérature quechua et espagnole grâce à ses poèmes et ses histoires écrites dans les deux langues.

Parmi ses œuvres littéraires en quechua du sud et en espagnol, nous citerons Riqsinakusun/ Conozcámonos (Connaissons-nous), Munakuwaptiykiqa/ Si tú me quisieras (Si tu m’aimais), Wiñay suyasqayki / Te esperaré siempre (Je t’attendrai toujours) et Yuyaypa k’anchaqnin / Fulgor de mis recuerdos (Éclat de mes souvenirs) qui ont remporté un grand succès.

Elle a traduit des textes littéraires castillans en quechua, dont trois de José María Arguedas: Warma Kunay (L’amour de l’enfant) (1935), Yawar Willay (Avertissement de sang)(1945) et Hijo solo (Fils unique) (1957), publiés en version quechua en 2011.

Elle a été invitée à participer à des présentations à l’Institut Porras Barrenechea à Lima (2015), au siège de l’UNESCO à Paris (2015), à l’Université nationale de Huamanga à Ayacucho (2017), au Consulat du Pérou , à Florence (2017), à l’Université de Sapienza à Rome (2017) entre autres.

Elle a également contribué à des campagnes de sensibilisation pour la protection du Chien Nu du Pérou avec la traduction dans la langue quechua du film qui porte le même nom et la traduction et l’interprétation des vidéos et des conférences de l’Association pour la protection du patrimoine péruvien (APPP).

Sa contribution à la diffusion et à la préservation du patrimoine culturel péruvien tangible et intangible a été hautement reconnue par diverses institutions mondiales.

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INTERVIEW : Message de l’Ambassadeur de la Représentation permanente du Pérou à l’UNESCO, Manuel Rodríguez Cuadros

« Le chien nu du Pérou fait partie de l’histoire, de la vie et de la culture du Pérou,«  Manuel Rodriguez Cuadros – Ambassadeur de la Représentation permanente du Pérou à l’UNESCO

Photos by Mauricio Alvarez

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